Côté cockpit
Bertrand : (A Yvan) allez minus mets les gaz, j’enlève le frein à main. (Bertrand desserre le frein à main. Yvan abaisse la manette des gaz. Bruit d’avion qui s’élance. Les pilotes et passagers tressautent sur leur siège. Martine est assise au premier plan le regard dans le vide…)
Bertrand : Youhou !!!
(Au son de l’avion qui décolle, le noir s’installe peu à peu sur scène, puis la lumière revient progressivement).
Côté cockpit
Bertrand : A y’est. Vol AB-123 à tour de contrôle, Altitude 11.000 mètres, vitesse de croisière 900 km/h, température extérieure moins 58°… et pilotage automatique enclenché. Si besoin adressez-vous au minot, moi je coupe le son. (Il s’étire) Bouh ! J’suis crevé (Il se lève).
Yvan : Qu’est-ce que vous faites ?
Bertrand : A ton avis… une p’tite sieste… 1h00 sur chaque oreille.
Yvan : Je vous rappelle, encore une fois, que c’est contraire au règlement.
Bertrand : C’est bon gamin, c’est pas au vieux chimpanzé que tu vas apprendre à faire la grimace. Tout’ façon, cet engin peut voler tout seul. Et pis j’vais dire mon p’tit bonhomme, quand on aura atterri, dans 2h00, je rends les clés du bahut et « VIVE LA R’TRAITE ». J’ai passé la moitié de ma vie aux manettes des plus gros engins volants qu’existent sur cette terre, alors, si avec ça j’ai pas l’droit au repos éternel, faudra qu’on m’explique…
Yvan : Je ne sais pas ce qui m’a pris de prendre votre défense devant la commission des sanctions disciplinaires.
Bertrand : Le syndrome de Stockholm, ça te parle ?
Yvan : Je suis votre second, pas votre otage. Quand je pense que vous n’avez même pas proposé mon nom à l’accession au poste de commandant de bord.
Bertrand : Ben quoi Mermoz ? Tu crois qu’t’as l’apanage des grands héros ? Ben non. T’es juste un larbin… un bon larbin, j’le reconnais, mais un larbin quand même. MON larbin (il ricane). Alors tu la mets en veilleuse, tu obéis aux ordres du commandant, et tu bosses pendant que MOI je médite. (Il boit une bonne gorgée de Whisky) Quel bonheur ce petit plaisir. (Il sort quelques médicaments et les avale avec le Whisky). Ma p’tite drogue… bueno ! (Il sort fond de scène).
Côté passagers
Martine : (Elle détache sa ceinture et se lève) Mesdames, Messieurs, vous pouvez maintenant détacher vos ceintures. A votre disposition, magazines, jeux, films sur demande à partir de 9,90 €. Bonne continuation. Je reste à votre disposition. (Elle entre dans le cockpit)
Marie-Charlotte : Ce n’est pas donné tout de même.
Côté cockpit
Martine : Ah… il est encore parti pioncer. Il t’a encore laissé tout seul.
Yvan : Oh vous savez, piloter seul ou co-piloter avec un commandant constamment ivre, le choix n’est pas bien compliqué.
Martine : C’est pas très faux.
Yvan : Madame Martine, j’ai une petite envie…
Martine : (Le coupant) Dis-donc, c’est pas parce que mon bougre de mari roupille comme une tombe à côté, qu’y faut en profiter pour me faire des avances.
Yvan : Mais non madame Martine, loin de moi cette idée, vous pensez-bien que…
Martine : (Vexée) C’est ça ! Dis aussi que j’suis pas à ton goût pendant que tu y es. Gougeât !
Yvan : Non, ce n’est pas ça… enfin si… mais je veux dire… là toute suite ce n’est pas possible… je voudrais aller me soulager.
Martine : Ouais, ben va te soulager. Si ça peut te faire du bien. Toute façon t’es pas mon genre. Les gringalets, ça m’a jamais fait « fantasquer ».
Yvan : (Sans aucune réaction et sur le ton habituel) Vous n’aurez qu’à surveiller ce voyant. S’il s’allume…
Martine : Je sais… je lance un appel de détresse. (En plein délire, mimant une scène catastrophe) Medley, medley, ici Martine, j’ai l’feu aux fesses côté gauche, j’pique du nez, j’perds de l’amplitude…
Yvan : (La coupant, dépité) Vous m’appelez par le circuit interne, ça suffira. Merci (Il sort par le fond).
Martine : Franchement, infirmières et hôtesses de l’air, même combat. Pendant que les blouses blanches font le boulot des toubibs, les tailleurs bleus font le boulot des pilotes et tout ça… pour une paye de misère. Bon en attendant j’ferais bien de réviser un peu au cas où. (Elle ouvre le manuel de bord, puis sort une feuille de Sudoku qui se trouvait à l’intérieur. Elle le montre au public) Ah ben d’accord ! (Elle continue à parcourir le manuel) Bordel. C’est tout écrit en « Anglish ». (Elle parcourt le bouquin) Y’a pas une version française comme pour mon fer à repasser ?
Côté passagers
Marie-Charlotte : Je ne me suis pas présentée. Sœur Marie-Charlotte DE la confrérie DES petites sœurs des pauvres, héritière… de notre seigneur.
Monica : Enchantée. Monica. Mon héritage à moi il est ici (Montrant son ventre rond).
Marie-Charlotte : Combien de…
Monica : (La coupant) 7 mois.
Marie-Charlotte : Non, combien de fois avez-vous pris l’avion ?
Monica : Ah… C’est la première fois.
Marie-Charlotte : Et combien… ?
Monica : Euh… c’est mon premier enfant.
Marie-Charlotte : Non, je veux dire combien avez-vous payé votre billet ?
Monica : Ah… 125 €.
Marie-Charlotte : C’est cher, très cher. Moi je l’ai payé 65… dollars. En euros ça fait encore moins cher… ça fait environ… 54.
Monica : (Peu passionnée par la conversation) Ah ???
Marie-Charlotte : (Fièrement) Internet… il faut surveiller, tous les jours les prix changent.
Monica : (Ironique) Ah je ne savais pas que les bonnes-sœurs étaient connectées.
Marie-Charlotte : Hyper-connectées. Et croyez-moi sur le web, il y a des bons coups à faire, mais il faut être patiente.
Monica : Oui… sûrement. Mais moi j’ai pas trop eu le temps de m’y préparer.
Marie-Charlotte : La précipitation ce n’est pas bon. On ne fait jamais d’économie…
Monica : Oui, ben c’est comme ça !
Marie-Charlotte : Oh, j’y pense…vous savez que si vous accouchez dans l’avion, vous et votre bébé voyagerez gratuitement, à vie, avec la compagnie CPPM.
Monica : (Ironique) Ah bon ? Parce que ça vous est arrivé à vous ?
Marie-Charlotte : (Ne relevant pas) GRA-TUIT… tout le temps… c’est bon à prendre quand même.
Monica : Je vous rappelle que j’ai que 7 mois de fait. En plus, une fois que je serai arrivée à destination, j’espère bien y rester.
Marie-Charlotte : Oui, oui, oui. Je vois. Mais quand même… gra-tuit.
(Après un petit silence gêné).
Marie-Charlotte : C’est votre mari qui va être content de vous voir arriver.
Monica : Pardon ?
Marie-Charlotte : Vous allez rejoindre l’heureux futur papa ?
Monica : Non pas vraiment…
Marie-Charlotte : Ah… le papa n’est pas votre… d’accord, d'accord. Vous savez à chacun son histoire… à chacun ses petits secrets et…
Monica : Bon écoutez, j’ai pas envie de parler de ça. Ca fait plusieurs nuits que je dors plus, j’ai couru comme une dingue pour pas louper l’avion avec 20 kilos dans les valises et autant dans le bide. Je suis au bord de l’anémie. Maintenant j’aimerais un peu de calme.
Marie-Charlotte : (Sortant un paquet de pop-corn de son sac à main) Vous en voulez ? Il y a du sucre, c’est bon pour les petits coups de mou.
Monica : NON, MERCI. J’ai besoin de SILENCE et ça, j’ai comme l’impression que vous n’en n’avez pas un échantillon sur vous.
Martine : (Apparaît côté passagers) Tout va bien mesdames ?
Marie-Charlotte : Ça va… ça va.
Martine : Voulez-vous un magazine ?
Marie-Charlotte : Non.
Monica : S'il vous plait.
Martine : Le Mégalo, Coser...
Monica : Coser.
Martine : 5 € s'il vous plait.... merci (elle sort côté cockpit).
Marie-Charlotte : C'est cher non ?
Monica : C’est le prix du silence.
Marie-Charlotte : Vous pourrez me le passer quand vous l'aurez lu ?
Monica : Non. Je vous le passe tout de suite. Je l'ai acheté pour que vous me foutiez la paix. (Elle lui balance le magazine).